16 juillet 2006

rituels

Il y a de nombreux rituels, à Cuba, des rituels révolutionnaires. L’un des plus médiatisés dans l’île concerne la fête nationale du 26 juillet. Chaque année, les quatorze provinces du pays sont en compétition pour avoir l’insigne honneur d’accueillir le discours de Fidel Castro, ce jour-là. Celle qui a les meilleurs résultats, dont je n'ai jamais compris en quoi ils consistent (plus d'explications ici) est annoncée au début du mois de juillet.
Cette année, donc, c’est la province de Granma, dans l’Oriente, qui a gagné. Coïncidence : cette année, ce sont les cinquante ans du débarquement de Fidel Castro dans cette province justement, d’où il allait lancer sa guérilla de barbudos en décembre 1956.
Ca n’a pas échappé à de nombreux Cubains. Une amie, pourtant peu portée sur les rites révolutionnaires, m’a appelée indignée quand elle a su que Granma avait gagné « l’émulation nationale » (les rites s’accompagnent de leur vocabulaire ad hoc) ; pour elle, il y a du favoritisme dans l’air. Ce qui m’étonne, c’est qu’elle s’en étonne, qu’elle s’en énerve.
En attendant, on a droit tous les jours à de nombreux reportages au journal télé, qui nous montrent à n’en plus finir la joie des granmenses : une gamine nous parle des glaces que l'on trouve maintenant dans la cafétéria d'Etat et qui sont très bonnes, un type nous dit quelques mots sur les transports publics qui se sont améliorés, etc.
Pour les gens de La Havane, tout l’Est de l’île est une vaste campagne atrazada, pleine de paysans dont le seul but est de venir à la capitale. Problème : il y a une loi qui interdit à celui qui le veut de s’installer así no más à La Havane. C'est pour lutter contre l’exode rural. Mais les gens viennent quand même, illégalement. S'ils sont contrôlés dans la rue, ils sont renvoyés dans leur province, así no más. En cubain, on les appelle les « palestinos ».

15 juillet 2006

histoires de portables

Passer de Cuba à Haïti, c’est changer les règles du jeu, complètement. C’est passer d’un Etat omniprésent à un Etat omni-absent.
Le renversement se fait en une heure d’avion, le paysage reste le même, la végétation, la chaleur, la mer… un trompe-l’œil. Tout est pareil, rien n'est pareil.
J’y suis restée trop peu de temps pour élaborer, mais prenons un exemple, dérisoire : les téléphones portables.
A Cuba, pour avoir un abonnement de portable, il faut une autorisation signée du centre de travail dont on dépend. Aucun de mes amis cubains n’a de portable, même si plusieurs n’ont pas de ligne fixe non plus. En somme, un Etat tout-puissant, sans régulation du marché.
A Haïti, au contraire, en ce moment, on voit des portables partout: une nouvelle entreprise, Digicel, vient de s’implanter et distribue les portables à tour de bras. Seule contrainte : faute d’un accord, impossible d’appeler avec vers les autres portables des compagnies pré-existantes. Du coup, il faut avoir plusieurs portables pour pouvoir s'en servir. Situation absurde, compétition sauvage. Un marché tout-puissant, sans régulation de l’Etat.
Les deux situations me laissent perplexe.

voyage en ayiti

C’était la semaine dernière, à Port-au-Prince, dans un bar : « Ils sont incroyables, les Haïtiens », me dit un ami, bluffé ; « ils n’ont pas d’équipe de foot, et ils sont quand même présents à la finale de la coupe du monde… ».
Sur l’écran de télévision de la cafétéria, on vient de voir apparaître le chanteur Wyclef Jean, accompagné de Shakira. Ils vont chanter leur tube à quelques minutes du début du match.
Ce qui a rendu les spectateurs fous de joie, dans la cafèt, c’est que le chanteur haïtien porte bien haut le drapeau national, sur son bonnet ET sur son t-shirt.
Emerveillés, les Haitiens se regardent les uns les autres, s’apostrophent, montrent l’écran du doigt : pour eux, c’est sans doute le meilleur moment de la finale… (à part ça, ils supportent quasiment tous l’Italie, histoire de bien montrer qu’ils ne supportent pas la France …).

Shakira & Wyclef Jean, Hips don't lie, juillet 2006