22 novembre 2005

la fin des croix

Aujourd’hui est un grand jour : j’ai décidé d’arracher les bandes de scotch marron que j’avais collé en croix sur mes quelques vitres en juillet dernier quand est passé le cyclone Dennis.
C’est un peu le rituel ici, une sorte de rendez-vous annuel : dès l’annonce du premier cyclone de la saison (qui court de juin à décembre), toutes les vitres se couvrent de ces ornements affreux, mais utiles, censés renforcer les panneaux de verre face à la pression du vent.
Du jour au lendemain, fenêtres et vitrines se retrouvent barrées de ces croix maladroites. Une fois l’ouragan passé, on les laisse, au cas où, et aussi parce que les rouleaux de scotch sont suffisamment rares pour qu’on préfère économiser là-dessus.
Assez vite, on les oublie, on s’habitue jusqu’à ce qu’un jour, on les voit de nouveau, énormes, laides : il est temps de les enlever.
Aujourd’hui donc, alors que Gamma, la 27e tourmente tropicale de la saison, vient de se volatiliser dans la mer des Caraïbes, j’ai fait preuve d’optimisme (je n’ai plus de scotch) , et la lumière douce de l’hiver tropical est entrée à flots dans ma cuisine (c’est le seul endroit où il y a des vitres, le reste de mes fenêtres sont de simples panneaux de bois).
A propos de Gamma, je dinais l’autre soir avec de nouvelles connaissances, et l’un des convives dit en riant qu’il avait mal compris le nom du cyclone et pensait qu’il s’appelait Granma (comme le bateau avec lequel Fidel et ses barbudos ont débarqué pour leur révolution, il y a 49 ans).
Habituée aux blagues cubaines et au second degré, et aussi pour voir un peu où se situaient les personnes présentes, j’ai dit en riant aussi que ce cyclone-là était passé il y a longtemps… silence glacial, on entendait presque les fourchettes dans les grains de riz, jusqu’à ce qu’un autre invité réponde sans le moindre second degré que “oui, et lui a laissé de bonnes conséquences”. Point final, discussion close, il est évidemment inutile de développer. C’est aussi ça Cuba : il y a certains cercles, plus ou moins officiels, où l’humour, même absurde, est banni, même entre amis.