C’était mardi dernier, pour le dernier match du tournoi pré-olympique de base-ball.
Cuba et les Etats-Unis doivent se rencontrer dans le grand stade de base-ball de La Havane, el Estadio Latino-americano. C’est le dernier match de la série. Il n’y a pas vraiment d’enjeu sportif : les deux équipes sont déjà qualifiées pour les JO de Pékin en 2008.
Cette fois, l’enjeu est symbolique… les deux équipes ne s’affrontent quasiment jamais, et au printemps dernier, Cuba n’avait pas pu rencontrer les Etats-Unis, éliminés assez rapidement du Mondial de Base-ball.
Bref, le stade est bien rempli, des familles entières sont venues voir le match : à un peso l’entrée, tout le monde peut y aller sans problèmes, à part celui du transport, chronique.
Dans les tribunes, on voit quelques drapeaux cubains, mais aussi vénézueliens ou argentins. Pas de drapeau américain par contre. Ah si, un : dans un coin, quelques jeunes Américains sont assis, clairement en minorité, mais le regard arrogant. L’un d’entre eux, avec une casquette vissée sur la tête, se fait un plaisir de parader dans les allées, la bannière étoilée flottant bien haut au-dessus de lui. Les Cubains le regardent passer, entre amusement et étonnement. «Oye, te van a meter preso ! Ils vont t'arrêter !» lui lance un jeune type en riant.
Et c’est vrai qu’ici, le drapeau américain n’a rien d’anodin, dans l’atmosphère d’affrontement permanent où l’on baigne dans l’île. Mais quoi : sur le terrain, c’est bien l’équipe américaine qui est là, alors que faire ? Laisser faire. Et le jeune yanki continue ses tournées dans les tribunes, un brin provocateur.
Pendant la première moitié du match, les joueurs cubains sont plus que décevants, ils se font mener largement. Un ami cubain me dit en riant que «demain, c’est sûr, l’équipe sera fusillée tellement ils jouent mal». Il faut s’habituer à l’humour cubain…
Puis survient une altercation sur le terrain : apparemment, les joueurs américains et leurs arbitres trichent, ils se font des signes entre eux. Le stade s’enflamme, tout le monde prend parti. A côté de moi, deux types s’énervent, l’un défend les Etats-Unis, l’autre Cuba. Le bruit ambiant devient assourdissant, entre les sifflements et les cornettes de carton doré.
Vers la fin du match, Cuba remonte, égalise, mais finit par être vaincue, 8 à 5. Tout le monde rentre chez soi, au milieu de la nuit, car les matchs de base-ball sont d’une longueur épuisante.
Le lendemain, le titre de Granma est un exemple d’astuce : comment dire que l’on a perdu, sans le dire ? Difficile d’écrire en gras "Victoire des Etats-Unis face à Cuba". Il y a des choses qui ne passent pas. J’imagine qu’il y a dû avoir une longue réflexion avant d’aboutir au titre adopté : "Aucun invaincu dans le préolympique".
Pour comprendre, il faut savoir que jusqu’à ce match, Cuba était invaincue, elle avait tout gagné, seule équipe dans ce cas-là lors de ce tournoi. Mais la veille, Cuba a perdu face aux Etats-Unis. Donc elle n’est plus invaincue : ce sera l’angle de ce compte-rendu de match.
Ca me fait penser à cette vieille blague lue dans le livre de Rosenthal et Fogel, sur la rencontre entre Napoléon et Reagan, Gorbatchev et Fidel : «Si j’avais eu une armée aussi moderne que la tienne, dit Napoléon à Reagan, je n’aurais pas perdu à Waterloo». «Si mes soldats avaient eu le moral de l’Armée rouge, je n’aurais pas perdu à Waterloo» dit-il à Gorbatchev. Puis se tournant vers Fidel : «Avec un journal comme Granma, personne n’aurait appris ma défaite à Waterloo».
09 septembre 2006
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