08 janvier 2007

home, sweet home

Vous ne connaîtrez jamais, je pense, le plaisir et la douleur d’être réveillé le dimanche matin à 8h30 par des inspecteurs de la santé publique, qui hurlent votre nom et frappent sur votre grille jusqu’à ce que vous ouvriez la porte.
Dans mon quartier, leurs contrôles ont lieu le dimanche matin. Tous les dimanches matin.
Il n’y a pas d’échappatoire, la non-coopération peut même dans des cas extrêmes entraîner des amendes élevées et une multiplication des contrôles : il est illégal de faire l’endormi –même si l’on est vraiment endormi.
Il est donc 8h30 du matin, ce dimanche, le jeune inspecteur avec son t-shirt rouge de rigueur demande l’adresse exacte de la maison, s’il y a un réservoir d’eau (oui), où se trouve-t-il (sur le toit), y a-t-il une citerne (oui).
C’est tout. Il griffonne au crayon à papier les réponses sur une feuille, les mêmes réponses que dimanche prochain un autre griffonnera, aux mêmes questions sans intérêt, qui pourraient être notées une fois pour toutes dans une banque de données, afin d’éviter de réveiller les braves citoyens à potron-minet un dimanche.
Un voisin (car l’opération de contrôle a lieu dans tout le quartier), les yeux encore embués de sommeil, râle : « Dimanche prochain, venez donc plutôt à 7h du matin, s’il vous plaît. Ca me ferait tellement plaisir… ».
Un peu gêné, l’inspecteur marmonne que lui aussi est fatigué, qu’il a regardé les trois films du samedi soir, sur la première chaîne, et que le dernier s’est terminé à 3h du matin.
Les habitants râlent, les inspecteurs râlent, tous sont d’accord pour dire que le dimanche matin pourrait être réservé à la tranquillité et au repos.
Mais il y a un côté Shadok à Cuba, et de la même façon que les Shadoks pompaient, les Cubains contrôlent —mais contrôlent quoi ? je ne peux pas m’empêcher d’être surprise par la teneur des questions, c’est un contrôle sans contrôle, totalement inutile sous cette forme.
Sensation désagréable que la vie privée n’existe pas aux yeux des institutions, week-end et semaine se confondent devant les décisions de l’Etat, le domicile n’est pas un lieu intime et inviolable : chaque semaine, plusieurs personnes que je ne connais pas rentrent chez moi, fumigateurs, inspecteurs… je n’ai pas le droit de refuser, je dois laisser rentrer ces inconnus, ils voient tout dans ma maison.
Sans vouloir céder à la parano ambiante qui dit que les cambriolages se sont multipliés depuis que les fumigations sont hebdomadaires (il y a beaucoup de suspicion contre les fumigateurs volontaires), je voudrais juste pouvoir me sentir vraiment chez moi parfois.

8 commentaires:

Anonyme a dit…

La seule efficacité des "contrôles"... c'est de montrer que "ils" sont toujours là !
Sincèrement, j'espère que vous pourrez dormir dimanche prochain !

Anonyme a dit…

Et si vous êtes en vacances, comment font-ils ?

Anonyme a dit…

Llegan los trabajaderes sociales !
J'ai assisté à un contrôle des travailleurs sociaux, l'arrivée du controleur était annoncée quelques minutes à l'avance, ce qui a permis de cacher le lecteur de DVD, le magnétoscope, la bonne télévision et de mettre en place le téléviseur Panda réglementaire, le travailleur social est rentré, a noté que tout était conforme, que les ampoules économes en énergie étaient bien en place... et 2 minutes après son départ tout était revenu sa place.

Je sais que tu sais que je sais mais je fais quand même semblant de tout faire comme il se doit.

Je ne connais personne qui vive à Cuba et respecte toutes les lois, c'est d'ailleurs à ça que sert le foisonnant dispositif juridique qui interdit à peu près tout. Tu n'as rien le droit de faire, donc le jour où il faaut trouver une raison de te faire rentrer le rang il n'y aura que l'embarras du choix.

Et au fait, cette loi sur les habits de camouflage, que se passe-t-il ? Hier encore j'ai croisé beaucoup de civils qui arboraient sur le malecon ou ailleurs ces vêtements théoriquement interdits depuis le 1er janvier.
Cette affaire a été mal engagée par le lider de substitution, il a annoncé lui même dans une de ses rares interventions télé que le port de vêtements de camouflage allait être interdit et 2 jours plus tard, Haila, la chanteuse n°1 du moment et son groupe faisaient un passage télé... tous intégralement habillés de camouflage.

Anonyme a dit…

Bonjour Tortue,

Lors de ma visite en octobre, j'ai remarqué un avion qui survolait la ville. A mon retour au Canada, on m'a dit que c'était peut-être pour des fins de fumigation.
J'y retourne dans quelques semaines. Je vous fais signe via votre courriel.
La nomade

Anonyme a dit…

et bien si on ne peut même plus dormir le dimanche matin! il en faut de la patience... encore que, si on peut en profiter pour boire un thé et se remettre au lit, ce n'est pas si mal?!

Lafuente a dit…

Salut!

Mais, c'est vrai que tu est à Cuba? Alors chapeau!

J'étais chef de la campagne contre le dengue à Cuba, dans un Policlinique, juste quelques mois avant partir. Moi aussi je peux temoigner des mesonges, des statistiques gonflés, des premiers mois sans pouvoir l'expliquer au peuple qu'il s'agisait du dengue, du faire semblant que tout le monde travaillait intensement. Je me souvient des reunions, alors ça, les reunions elles si fonctionnent très bien à Cuba. QUATRE reunions par jour! On lisait les choses qu'on avait fait ce jour-là, puis on discutait ce qu'il fallait faire... et on remplisait des modèles. Au lendemain, on repetait le même rituel, en disant les mêmes choses... Rien changait... pour quoi? principalement parce qu'on n'avait pas des reçources, on avait rien pour travailler et ce qui travaillent n'avaient aucun envie d'en faire...

Quand changait la chose? Quand le personage que tout le monde connaît se reveillait une bonne matin sans douleurs intestinaux, participait dans une "Table Ronde" (cette frase en français me rappelle le roi Arthur... viendra de là?), changait touts les responsables superieurs de la campagne contre le dengue et mobilisait (c'est à dire: paralisait) le reste du pays. Toutes les enterprises avec une seule mision: tuer le moustique. Un fois de plus notre sauveur nous sauvait... et, entre autres choses, nettoyait l'Havane des millions de metres carrés de merde cumulées pendant des années.

Voilà comment ça roule.

Uf! en écrivant en français je devient plus reactionaire...

Anonyme a dit…

J'ai lu avec beaucoup d'attention ce petit texte très bien écrit. La raison de ces contrôles incessants et inutiles me paraît claire : ces contrôles inutiles n'ont qu'un seul but : montrer à tous les citoyans cubains que l'Etat veille et surveille même le dimanche matin et même à 8h30 ! C'est un grand classique des Etats policiers. C'était déjà comme ça sous Franco en Espagne où un "concierge de quartier" (el cerrojo) conservait toutes les clés de son paté de maison et était le seul à pouvoir ouvrir les portes des immeubles après 21h ou 22h... C'est très efficace pour convaincre la population que rien n'échappe à l'Etat

Anonyme a dit…

Etonnant ...
est ce la même chose pour les vacanciers ??