06 juin 2006

anniversaire

Difficile d’être passé au travers : Raúl Castro, le frère de Fidel, a fêté samedi ses 75 ans. Pour l’occasion, Granma a publié en supplément un long texte de plusieurs pages tout à sa gloire, accompagné de photos de famille et de travail (il est ministre de l’armée depuis près d’un demi-siècle).
Le jour même, la télévision s’y est mise, diffusant un montage de photos de lui, avec des fondu-enchainés en forme d’étoile, sur un fond de musique douce.
Les présentateurs du journal télévisé y sont aussi allés de leurs félicitations, accompagnées de plusieurs reportages hagiographiques.
Bref, tout le monde a célébré cet anniversaire. Sauf que…
Sauf que c’est la première fois que ça arrive. Personne dans l’île n’a jamais su ni cherché à savoir quel jour était l’anniversaire de Raúl Castro, et ça n’a jamais été signalé dans les médias nationaux.
Quant à lui, il apparaît rarement, ne fait jamais de discours, ou très exceptionnellement, et cela fait plusieurs décennies que ça dure. Autant on est habitué à voir souvent son frère, autant lui, non.
Du coup, cela a donné lieu à un malentendu malvenu : plusieurs amis cubains m’ont raconté leur confusion quand samedi soir, après le premier film de la soirée, au moment où l’audience est la plus forte, les quatre chaînes se sont mises à diffuser, au même moment, le montage de photos, accompagné cette fois d’une chanson incroyablement kitsch, retraçant la trajectoire du successeur désigné.
« Raúl est mort …» : ce fut leur première réaction. Atterrés, ils ont regardé les images qui se succédaient, persuadés qu’il s’agissait d’une nécrologie. Ils ne pouvaient pas expliquer autrement cette soudaine médiatisation du cadet des Castro.
Ce n’est qu’à la fin des quelques minutes du montage qu’ils ont compris qu’il ne s’agissait que de son anniversaire. Mais c’était tellement inhabituel…
Plusieurs personnes différentes m’ont raconté cette expérience, perturbante pour eux, comme une répétition générale de ce qui finira par arriver un jour, logiquement, biologiquement, mais à quoi plus personne ne croit, parce que ça fait si longtemps…
« Les Cubains, ils en font ou trop, ou trop peu » —el cubano, o no llega, o se pasa : c’est un mambi venu de St-Domingue qui avait dit ça au siècle dernier. On pourrait dire la même chose des médias cubains actuels : leur traitement de l’actualité est déroutant, dans ses silences comme dans ses démesures.

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