04 juin 2006

quizz

Il est très difficile de faire comprendre à quelqu’un élevé «dans le capitalisme» ce que signifie l’étatisation totale de l’économie. Difficile aussi de faire comprendre ce qu’est un syndicat unique ou un parti unique, mais déjà d’un point de vue très quotidien, imaginer que l’Etat est l’employeur direct de 80% des travailleurs, que le petit commerce privé n’existe pas (comme ce fut le cas ici avant 1989, comme paraît-il nulle part ailleurs dans le monde communiste), ce n’est pas une chose aisée.
L’inverse est vrai aussi : je viens de m’en rendre compte en regardant un de ces jeux télévisés que l’on trouve le samedi sur la chaine des jeunes, Tele Rebelde.
La finale du mois, organisée dans l’école des cadres du syndicat unique à La Havane, opposaient deux équipes d’étudiants, de vingt à trente ans. Tous étaient vêtus de T-shirts arborant le drapeau cubain.
Le public était composé des camarades de classe des deux équipes, portant le même t-shirt orné du drapeau, et assis en deux groupes compacts, sur des chaises alignées sur trois rangs.
Après une courte interruption, où un courrier de lecteur exprimait son désir ardent de voir des questions porter sur les structures de l’Etat, la compétition reprend.
Les présentateurs, trois jeunes à la bonne humeur contagieuse, alignent les questions, la plupart portant sur la politique ou l’histoire.
« Question politique, pour gagner 30 points : organisation anti-impérialiste fondée par Julio Antonio Mella en 1924 ? »
« La section de la ligue anti-impérialiste des Amériques » répond Julio, sans hésiter.
« Correcto ! »
« Question politique, pour trente points aussi : action dans laquelle fut mortellement blessé le pionero Paquito Gonzalez ? »
« L’enterrement des cendres… euh, des cendres de Julio Antonio Mella, en 1930 » répond Ruth, un peu hésitante.
« Pas d’hésitation à avoir, Ruth, car c’est la bonne réponse ! »
« Question suivante : à nouveau une question politique, pour Oswaldo. Concentrez-vous : la solidarité entre les étudiants et les ouvriers, dans les années 20, a été développé par le dirigeant… ? »
« Julio Antonio Mella » répond Oswaldo sans l’ombre d’un doute.
Jusque là tout va bien, apparemment les étudiants connaissent sur le bout des doigts la vie du co-fondateur du parti communiste cubain, Julio Antonio Mella.
Mais soudain, c’est le drame :
« Question juridique, maintenant. C’est au tour d’Alexis, attention, il y a cinquante points en jeu : la loi Arteaga, de 1909, interdisait de payer les ouvriers avec des bons d’approvisionnement, rendant obligatoire le paiement en salaires. Mais cette loi était enfreinte par …? »
Alexis doute, il demande à consulter son public, c’est une possibilité offerte, même si l’on gagne moins de points. Rapide conciliabule d’une dizaine de secondes, puis il réapparait, rayonnant : « Nous pensons qu’il s’agit du gouvernement ».
« Nooon, répond le présentateur d’un air navré. Non, cette loi était enfreinte par les patrons, par les chefs d’entreprise… quel dommage, vous perdez 50 points ».
Je suis restée étonnée par cette réponse du futur syndicaliste. Mais c’est que pour ce garçon, né et élevé dans un système où Etat, gouvernement et employeur sont la même chose, il doit être très difficile de s’imaginer un monde de libre entreprise, décentralisé en quelque sorte. Pour lui, c'est inconcevable.
Heureusement comme le dit le slogan de l’émission, «ceux qui savent gagnent, et ceux qui ne savent pas gagnent aussi car ils apprennent !»
Et pour renforcer cet apprentissage, gagnants et perdants reçoivent chacun des livres en cadeau : pour les uns, « Dans la fournaise des années 90 », « Cuba au-delà des rêves », et « Amérique Latine, le réveil d’un continent » de Che Guevara ; pour les autres « Le blocus contre Cuba, le siège le plus long de l’histoire », « Cuba au-delà des rêves » à nouveau, et « Terrorisme d’Etat des Etats-Unis contre Cuba : le cas des Cinq ».
Je vous laisse deviner ce qui est pour les gagnants et ce qui est pour les perdants, pour ma part j’ai oublié.

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