11 mai 2006

ironies

Vu d’ici, c’est quelque chose de complètement inimaginable: un homme, un humoriste, fait un sketch devant la personne qui a actuellement le plus de pouvoir au monde, le président des Etats-Unis, et se moque ouvertement de lui et de ses convictions, vingt minutes durant.
Et il ne lui arrive rien. Non seulement il ne lui arrive rien, mais le président est là, à côté de lui, qui le regarde amusé (enfin plus ou moins, j’imagine).
Une liberté d’expression totale, une irrévérence incroyable, et une voix pour lui dire tout haut, devant lui, ce que beaucoup pensent.
Evidemment ici, où il n’est pas question pour la presse cubaine de mentionner Fidel Castro sans rajouter notre cher commandant en chef, ou le camarade Fidel, et où tout reportage télé se termine quasi-invariablement par des remerciements émus et mécaniques «a la revolución, al Partido y a Fidel», cette situation est inconcevable.
Ce n’est pas que les Cubains ne regardent pas avec ironie leur pays et ses dirigeants. Mais cela reste toujours dans la sphère privée.
Dire certaines choses en public peut attirer des problèmes, ne serait-ce qu’à cause de cet article du code pénal qui punit de un à trois ans de prison ferme quiconque «manque de respect par écrit ou par oral au président du conseil d’Etat, au président de l’assemblée nationale, aux membres du conseil d’Etat ou du conseil des ministres, ou aux députés de l’assemblée nationale».
Vu l’interprétation ample du concept "manque de respect", la version cubaine des Guignols de l’info n’est pas pour demain.
Pourtant, les Cubains rient, bien sûr, comme tout le monde, voire plus. Un ami à qui je racontais l’histoire de l’humoriste anti-Bush, m’a répondu par cette blague, comme une pirouette dérisoire :
«C’est l’histoire d’un Américain et d’un Cubain qui discutent de la liberté d’expression :
— Moi, dit l’Américain, j’ai une totale liberté d’expression. Si je le veux, je peux aller quand je veux à Washington, demander un rendez-vous avec George Bush, le rencontrer, et lui dire tout le mal que je pense de lui et sa politique !
Le Cubain le regarde et acquiesce :
— Mais moi aussi, dit-il, moi aussi je peux aller quand je veux sur la Place de la Révolution, à La Havane, demander un rendez-vous avec Fidel, le rencontrer et lui dire tout le mal que je pense de George Bush.»

1 commentaire:

Anonyme a dit…

bien sûr les cubains ont, en privé, le sens de l'humour, même s'il s'agit souvent d'auto-dérision grinçante qui nous en dit long sur leur mal-être.
Je te livre un autre exemple entendu récemment à La Havane:
"Quels sont les 3 grands succés de la Révolution?
réponse: l'Education pour tous, la Santé pour tous, la Culture pour tous.
Et quels sont les 3 grands échecs de la Révolution?
réponse: le petit-déjeuner, le déjeuner et le dîner!!!"
merci pour ta chronique havanaise douce-amère; on en veut encore, encore!!!