12 décembre 2005

dépaysement

A Cuba aussi, les fêtes de Noël sont synonymes de … Sissi ! Ce dimanche à 18h, sur l’une des 4 chaînes nationales, retrouvons la princesse Romy Schneider batifolant dans la neige. Plutôt exotique par ici…

les ampoules

Ca y est, ils sont aussi passés chez moi un matin où je n’y étais pas. Le proprio leur a ouvert, bien sûr, et a consciencieusement suivi les instructions.
Résultat : mes trois lampes se sont retrouvées équipées de leurs ampoules économisatrices.
Le principe : réduire la consommation d’énergie du pays. Le moyen : la destruction de toutes les ampoules incandescentes (les normales, avec leur fil à tungstène en tire bouchon et leur couleur chaude) et leur remplacement par des mini néons. Enfin, pas si mini que ça : chaque bête mesure bien vingt centimètres, et déborde allègrement des abats-jour, diffusant sans nuance sa lumière froide et blanche.
Donc depuis quelques jours, des milliers de “travailleurs sociaux” (une armée de jeunes venus de province et habillés de t-shirt rouges) parcourent systématiquement toutes les rues de La Havane, frappent à toutes les portes, et échangent les vieilles ampoules contre les nouvelles.
Il est possible de refuser, mais de toute façon on ne trouve plus d’ampoules tungstène pour remplacer celles qui claquent, elles ont été retirées de la vente depuis plusieurs mois déjà.
L’intention est bonne, mettre fin aux coupures de courant qui nous hachent la vie. Mais la forme systématique laisse un arrière-gout désagréable de dépossession, d’absence de choix.
Une absence de choix qui fait apparaître comme du sabotage le fait de vouloir s’endormir en lisant à la lumière d’une petite lampe de chevet à la lumière douce…

05 décembre 2005

une bougie et une peluche

Mon voisin frappe à ma porte pour m’emprunter une bougie. Comme pour tout, par moments on en trouve partout, et le reste du temps il n’y en a plus nulle part : les aléas sans répit de l’approvisionnement.
Il m’en reste, rescapées du dernier cyclone. Je suis juste un peu étonnée, car aujourd’hui il n’y a pas de coupure de courant, et en plus nous sommes en plein après-midi. Je lui tends la bougie, il me remercie, et me glisse avant de disparaître qu’aujourd’hui c’est la fête de Barbara —Chango pour la santeria.
Ce voisin n’a pas “fait son saint” (initiation), il n’a pas d’autel chez lui, il ne pratique pas la santeria, mais le jour de Chango, il ne manque pas d’allumer une bougie pour lui. Au cas où.
Quant à cet autre couple d’amis, chaque fois qu’ils montent dans ma voiture, ils installent entre les sièges un petit ours en peluche recouvert des colliers d’Elegua, de Yemaya, et d’autres orishas qui les protègent.
Ce n’est pas une fois, par hasard. Non, chaque fois. Est-il besoin de préciser qu’ils vont aussi à l'église le dimanche et que lui est franc-maçon…

02 décembre 2005

complexité technique

Hier soir, un nouveau détenu du groupe des 75 a été libéré, le 15e : Mario Enrique Mayo, journaliste indépendant à Camaguey.
J’ai lu attentivement la sentence qui, en avril 2003, l’avait condamné à 20 ans de prison, coupable “d’actes contre l’indépendance ou l’intégrité territoriale de l’Etat” pour avoir “rassemblé des informations de toutes sortes d’ordre économico-politico-social qui attentaient contre notre Etat Socialiste, services pour lesquels il était payé depuis les Etats-Unis en franche violation des lois établies.”
“Sa posture est de plus en plus belliqueuse et intransigeante, motif pour lequel, en réponse à la menace réelle que ses actions induisent, le Tribunal a prononcé des sanctions de privation de liberté qui portent en elle la sévérité qui correspond à l’intention des accusés de donner notre souveraineté et indépendance à une puissance étrangère”.
Mario Enrique Mayo a signé des articles repris par «la radio ennemie Radio Marti», une radio financée par des fonds américains.
Comme preuves aggravantes de sa complicité avec la section d’intérêts américaine (l’équivalent de l’ambassade en l’absence de relations diplomatiques) , l’acte d’accusation liste les objets confisqués chez lui :
“Une radio portable et ses accessoires, un chargeur de batteries, deux batteries, un mini-cassette enregistreur, une cassette, 267 livres, des imprimés, un agenda téléphoniques et des médicaments. »
Une fois confisqués, « tous les imprimés et livres seront donnés au ministère de l’intérieur pour leur destruction ; tous les équipements électroniques seront donnés au ministère de l’intérieur, vu que leur complexité technique rend imprudente leur utilisation pour une autre activité ». Je reste perplexe face à la complexité technique d’une radio portable…

soldes

Les soldes de Noël arrivent à La Havane, et c’est une première !
C’est une façon de parler, car Noël n’est pas vraiment fêté ici (interdit par le gouvernement de Fidel Castro en 1959, il a été redéclaré férié il y a quelques années, mais les Cubains ne le célèbrent pas réellement) , et l’on peut difficilement parler de soldes. En tout cas, pas de grandes guirlandes bariolées dans les vitrines…
En fait, dimanche dernier, le journal télévisé du soir a annoncé une baisse temporaire des prix de certains articles de première nécessité, dans les shoppy, les magasins en monnaie convertible (Cuc, équivalent à l’euro).
Par exemple, le litre d’huile de tournesol passe de 2,20 à 1,95 Cuc; le sachet de 200 g de lessive de 0,55 à 0,50 Cuc, la petite boite de thon de 1,80 à 1,40 Cuc, etc (en gros une baisse de 10% sur un petit éventail de produits, mais parfois jusqu’à 50% pour des fringues).
Ces magasins, qui appartiennent à l’Etat comme tous les magasins de l’île, sont ceux qui distribuent la majorité des biens de consommation courante, tandis que l’économie en monnaie nationale, rationnée, est en pénurie quasi-permanente.
Deux monnaies, deux économies dans un même pays : c’est comme s’il y avait deux monnaies en France, une forte (équivalente à l’euro) et une faible, très faible même (1 pour 24).
On vous paye avec la faible (l’équivalent de 15 euros mensuels), et l’on vous vend avec la forte (à des prix occidentaux).
Dans les deux cas, pas d’alternative : c’est l’Etat qui emploie 80 % des Cubains et fixe les salaires, et c’est l’Etat qui a le monopole du commerce intérieur et de ses prix (supérieurs par décret de 140% aux prix en France).
L’équation quotidienne, impossible à résoudre sans infraction de toutes sortes, est laissée sur vos épaules (d’où marché noir florissant, corruption, vols et détournements).
Ces dernières semaines, la lutte contre ces infractions est devenue la priorité de Fidel Castro, qui a reconnu pour la première fois la gravité du problème. Les mesures de contrôle se multiplient dans tout le pays, les salaires qualifiés ont été augmentés de trois dollars mensuels, mais dans le même temps les tarifs d’électricité ont eux aussi augmenté de 300 % (pour atteindre des tarifs presque français pour ceux qui consomment plus).
C’est face à la tension que suscite cette situation que l’Etat a décidé cette baisse des prix temporaire, pour trois semaines.
Une baisse largement insuffisante et concernant trop peu de produits pour satisfaire les Cubains. De fait, contrairement aux prévisions, on a vu assez peu de files d’attentes devant les magasins concernés pendant les premiers jours.