16 janvier 2007

samizdat new age

Un débat a surgi il y a une semaine à Cuba autour d’une courte émission de télévision dédiée à un ancien fonctionnaire de la Culture. L’homme y était encensé comme poète, mais il est surtout connu pour son action de censeur en chef pendant les années 70.
Débat ? Surgi ? Mais où, comment ? —il y a ici peu d’espaces ouverts à la spontanéité publique —.
Et bien sur internet. Ou plus exactement par e-mails, ce que quelqu’un a joliment dénommé les « emilios ».
Apparemment, juste après la diffusion de l’émission de télé, plusieurs artistes et intellectuels ont commencé à envoyer à titre personnel des emails collectifs de protestation, s’indignant de cette réhabilitation médiatique.
Pendant trois jours, les mails se sont répondus les uns aux autres, réenvoyés à chaque fois à des listes de destinataires de plus en plus larges, enchaînant rapidement avec de nombreux messages sur les blogs de Cubains exilés, qui reprenaient le thème et l’approfondissaient.
D’aucuns rappelaient leurs souffrances personnelles dûes à cet homme, d’autres –hors de l’île- répondaient qu’il n’était alors comme maintenant que le bras exécutif, et que le système répressif qu’il représentait était toujours en place et envoyait par cette voie un avertissement…
Mais finalement, plus que le fond du débat, ce qui m’a surpris, c’est sa simple existence, sa possibilité : malgré ses limitations (un intranet national, un accès à internet soumis à autorisation individuelle, un nombre d'accès peut-être le plus bas du monde), malgré tout ça internet a permis l’expression d’une réaction spontanée et surtout partagée, débattue.
Alors qu’ici la fragmentation de l’information constitue la règle (A pense quelque chose, B pense la même chose, mais A et B n’ont pas les moyens de savoir qu’ils pensent la même chose à moins de se rencontrer un jour), cette chaîne de emails a joué le rôle des samizdats soviétiques, ces autopublications littéraires clandestines, diffusées parmi les cercles d’amis.
Et comme pour les samizdats, l’audience à l’échelle du pays est faible : pour le grand public, qui n’a pas vu l’émission diffusée en pleine nuit, et qui de toute façon ne sait pas qui fut l’homme au cœur de ce débat, il ne s’est rien passé cette semaine.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Oui des potes en parlaient déjà début janvier....apparemment ça bouge depuis un moment sur le net...par courriels. Super intéressant, ça veut dire qu'il y a des prises de position et des recompositions à haut et moins haut niveau....plutôt positif non?
Bises miss...