05 avril 2007

badinage

Le feu vient de passer au rouge, je m'arrête. Devant moi un vieux side-car soviétique, un homme au volant, un autre assis dans le «panier».
Il fait chaud, nous sommes en milieu d’après-midi, comme d'habitude une file de femmes plus ou moins jeunes attend sur le côté, et se précipite vers les véhicules à peine arrêtés —les auto-stoppeuses.
Une femme d'une cinquantaine d'années se dirige vers la première voiture de la file, sans succès. Elle s’approche alors du conducteur du side-car, lui demande probablement s’il va dans sa direction; je ne sais pas ce qu’il lui répond mais elle éclate de rire, relève un peu sa jupe et s’assied en amazone derrière lui.
A côté, l’homme dans le panier du side-car lui lance un mot, elle se retourne vers lui, se penche, lui murmure quelque chose à l’oreille, maintenant c’est à son tour à lui de rire.
En quelques minutes, le temps d’un feu rouge, ces trois-là, parfaits inconnus, se sont inventés une connivence, une proximité, ils rejouent une fois de plus le plaisir de la rencontre et de la séduction sous les tropiques.
Un chercheur cubain avait consacré toute une étude au "choteo" insulaire, entre badinage et moquerie. Selon lui, c'était un des traits caractéristiques de ses compatriotes.
Cette familiarité à portée de main, qui ne dure que le temps d’un trajet, d’une attente devant un magasin, qui tisse le temps qui passe, c’est peut-être l’une des choses les plus surprenantes pour un étranger, les plus fascinantes aussi.
Une vie au jour le jour, où le lendemain n’existe que vaguement, de façon diffuse, où l’heure qui vient, la minute qui vient, comprend tous les possibles.

6 commentaires:

Irisdebrito a dit…

C'est bien ça qui nous manque à nous les latines dans les grands centres-villes de pays developpés: pas de regards de complicité, pas de sourires de séduction....

Anonyme a dit…

…et ces femmes et ces hommes, l’œil froid et le cœur chaud, qui dansent dans la rue et t’offrent la moitié de ce qu’ils ont si tu danses avec eux… (Ofelia)

Anonyme a dit…

joli fragment qui donne envie d'aller à cuba pour monter dans un side car

Anonyme a dit…

En Israël, ce n'est aussi "direct" mais les hommes ont des regards troublants...

raf a dit…

vraiment excellent, une portion de vie effectivement bien plus parlante que les clichés habituels de Cuba.
Bonne route !

el espejo a dit…

C'est la seule chose qui nous reste, madame, la proximité