Acto de repudio contre Reinaldo Escobar, 20 novembre 2009.
Photo : Sven Creutzmann/Mambo
Photo : Sven Creutzmann/Mambo
Hier soir, dans une rue déserte, agressée par trois types qui voulaient me voler mon sac. Ils m’ont traînée par terre, rouée de coups, menacée de me « planter » avec un couteau que je n'ai pas vu. Ils se sont finalement enfuis sans le sac, que je ne lâchais pas malgré leurs coups de pieds.
Irruption soudaine de violence, c’est la première fois qu’on me frappe. J’avais peur, physiquement peur, je me sentais fragile, je ne savais pas comment ça allait finir. En même temps, je trouvais ça injuste, unfair, je ne voulais pas que ces trois types qui s'acharnaient contre une nana à terre y gagnent quoi que ce soit, et je résistais.
Bref, rien de bien grave finalement, mais un sentiment d’insécurité diffus et tenace, l’impression angoissante que la rue est un lieu menaçant. Cependant, je suis allée au commissariat porter plainte, un fonctionnaire m’a écoutée, a pris ma déposition, et je suis repartie avec le réconfort même illusoire que les coupables seraient punis s’ils étaient attrapés. Et bientôt je retrouverai ma confiance habituelle.
Cet accès de peur, et ce réconfort d'être défendue par des lois, me font penser aux violences et aux actos de repudio qui se succèdent avec zèle ces dernières semaines à Cuba — devant chez Vladimiro Roca, contre Yoani puis contre Reinaldo en plein centre-ville, contre les Dames en blanc avant-hier, contre les Omni qui m’écrivent qu’ils ont été délogés hier de leur atelier par des brigades de réponse rapide. Ou encore en mai dernier contre l’écrivain Angel Santiesteban, à qui deux types ont cassé le bras dans la rue en le traitant de contre-révolutionnaire.
Il n’y a pas mort d’homme, c’est vrai, il n’y a pas d’armes qui circulent dans ces manifestations haineuses sur commande, mais il y a le détail essentiel que cette violence s’exerce en toute impunité. Pour ceux qui en sont victimes, la peur physique, instinctive, est d’autant plus forte qu’ils se savent sans recours, hors de la protection de l’Etat. Pire : l’intimidation fait partie de la politique d’Etat *.
Imaginez un instant que ce soit vous la cible de cette politique, vous qui, disons, tenez un blog où vous critiquez ce qui vous semble critiquable, et qui, à chaque fois que vous sortez de chez vous, risquez d'être soudain encerclé de personnes hurlantes et véhémentes, prêtes à vous frapper sans états d’âme et sans conséquences.
Vous frapper vous, pas quelqu'un d'autre, pas par hasard.
Et tous ces gens qui vous assaillent sans vous connaître, vous ne pouvez même pas envisager de les raisonner : plus ils seront agressifs, mieux ce sera pour eux, ils ne sont là que pour ça. Des limites sont sûrement énoncées quelque part, mais vous ne les connaissez pas – vous savez juste que vous n'avez aucun abri possible.
Cette perspective angoissante imprègne vos jours et vos nuits, elle ne se réalise pas forcément, pas tous les jours, mais elle est latente. Et vous, la cible des attaques, restez seul avec la certitude de votre vulnérabilité, indefenso, à chaque minute. Sans répit.
Alors oui, vu de loin et de haut, ça semble juste une mauvaise mise en scène qui se répète, plus ou moins prévisible. Mais sur place, au milieu de la mêlée, la peur doit être dévorante.
C'est à l'aune de cette peur que se mesure aussi la détermination de s'exprimer, quand il est si simple de se taire.
* Fidel Castro, discours du 26 juillet 2005:
«Envalentonados por la aparente impunidad de sus aventuras, el pasado viernes 22 de julio, cuando todo el esfuerzo se concentraba en la reconstrucción del país, los “defensores de la sociedad civil” ―alentados por la Oficina de Intereses y fuertemente estimulados por los vuelos y transmisiones casi a diario de los aviones militares y los mensajes subversivos que entrañaban, unido a la creencia difundida por la mafia de Miami ya casi haciendo las maletas ante un inminente colapso de la Revolución― se animaron a instrumentar una nueva provocación; pero esta vez el pueblo, indignado con tan desvergonzados actos de traición, se interpuso con sus expresiones de fervor patriótico y no permitió moverse a un solo mercenario (Aplausos). Y así ocurrirá cuantas veces sea necesario (Aplausos) cuando traidores y mercenarios sobrepasen un milímetro más allá de lo que el pueblo revolucionario, cuyo destino y cuya vida están en juego frente al imperio más voraz, más inhumano y cruento de la historia, está dispuesto a permitir.»
Irruption soudaine de violence, c’est la première fois qu’on me frappe. J’avais peur, physiquement peur, je me sentais fragile, je ne savais pas comment ça allait finir. En même temps, je trouvais ça injuste, unfair, je ne voulais pas que ces trois types qui s'acharnaient contre une nana à terre y gagnent quoi que ce soit, et je résistais.
Bref, rien de bien grave finalement, mais un sentiment d’insécurité diffus et tenace, l’impression angoissante que la rue est un lieu menaçant. Cependant, je suis allée au commissariat porter plainte, un fonctionnaire m’a écoutée, a pris ma déposition, et je suis repartie avec le réconfort même illusoire que les coupables seraient punis s’ils étaient attrapés. Et bientôt je retrouverai ma confiance habituelle.
Cet accès de peur, et ce réconfort d'être défendue par des lois, me font penser aux violences et aux actos de repudio qui se succèdent avec zèle ces dernières semaines à Cuba — devant chez Vladimiro Roca, contre Yoani puis contre Reinaldo en plein centre-ville, contre les Dames en blanc avant-hier, contre les Omni qui m’écrivent qu’ils ont été délogés hier de leur atelier par des brigades de réponse rapide. Ou encore en mai dernier contre l’écrivain Angel Santiesteban, à qui deux types ont cassé le bras dans la rue en le traitant de contre-révolutionnaire.
Il n’y a pas mort d’homme, c’est vrai, il n’y a pas d’armes qui circulent dans ces manifestations haineuses sur commande, mais il y a le détail essentiel que cette violence s’exerce en toute impunité. Pour ceux qui en sont victimes, la peur physique, instinctive, est d’autant plus forte qu’ils se savent sans recours, hors de la protection de l’Etat. Pire : l’intimidation fait partie de la politique d’Etat *.
Imaginez un instant que ce soit vous la cible de cette politique, vous qui, disons, tenez un blog où vous critiquez ce qui vous semble critiquable, et qui, à chaque fois que vous sortez de chez vous, risquez d'être soudain encerclé de personnes hurlantes et véhémentes, prêtes à vous frapper sans états d’âme et sans conséquences.
Vous frapper vous, pas quelqu'un d'autre, pas par hasard.
Et tous ces gens qui vous assaillent sans vous connaître, vous ne pouvez même pas envisager de les raisonner : plus ils seront agressifs, mieux ce sera pour eux, ils ne sont là que pour ça. Des limites sont sûrement énoncées quelque part, mais vous ne les connaissez pas – vous savez juste que vous n'avez aucun abri possible.
Cette perspective angoissante imprègne vos jours et vos nuits, elle ne se réalise pas forcément, pas tous les jours, mais elle est latente. Et vous, la cible des attaques, restez seul avec la certitude de votre vulnérabilité, indefenso, à chaque minute. Sans répit.
Alors oui, vu de loin et de haut, ça semble juste une mauvaise mise en scène qui se répète, plus ou moins prévisible. Mais sur place, au milieu de la mêlée, la peur doit être dévorante.
C'est à l'aune de cette peur que se mesure aussi la détermination de s'exprimer, quand il est si simple de se taire.
* Fidel Castro, discours du 26 juillet 2005:
«Envalentonados por la aparente impunidad de sus aventuras, el pasado viernes 22 de julio, cuando todo el esfuerzo se concentraba en la reconstrucción del país, los “defensores de la sociedad civil” ―alentados por la Oficina de Intereses y fuertemente estimulados por los vuelos y transmisiones casi a diario de los aviones militares y los mensajes subversivos que entrañaban, unido a la creencia difundida por la mafia de Miami ya casi haciendo las maletas ante un inminente colapso de la Revolución― se animaron a instrumentar una nueva provocación; pero esta vez el pueblo, indignado con tan desvergonzados actos de traición, se interpuso con sus expresiones de fervor patriótico y no permitió moverse a un solo mercenario (Aplausos). Y así ocurrirá cuantas veces sea necesario (Aplausos) cuando traidores y mercenarios sobrepasen un milímetro más allá de lo que el pueblo revolucionario, cuyo destino y cuya vida están en juego frente al imperio más voraz, más inhumano y cruento de la historia, está dispuesto a permitir.»
1 commentaire:
Quel courage d'avoir résisté à vos agresseurs. Ici, cela n'est pas conseillé.
Merci Sara pour votre message. Il m'a donné le petit coup de pouce qui manquait pour me remettre à écrire.
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