26 septembre 2006

feux follets

C’était vendredi dernier. Il flottait dans l’air comme une odeur de brûlé. En remontant Paseo, j’ai vu dans un coin de rue un petit feu. Je n’ai pas fait immédiatement le rapprochement. Ce n’est que quelques rues plus loin, en voyant un deuxième feu, que je me suis souvenue que nous étions le 22 septembre. Et ce jour-là, à Cuba, les enfants des écoles primaires sont chargés de faire la garde dans les rues jusqu’à minuit.
Dans la mobilisation de tous, permanente, au service de la Patrie, il y a un soir pour les enfants. Pour eux, c’est une vraie fête : ils ont le droit de faire un feu de bois dans leur cuadra, ils viennent tous habillés avec leur uniforme rouge sombre de l’école et leur pañoleta de pionero autour du cou, et ils peuvent courir dans la rue à la nuit tombée. Non seulement ils peuvent, mais ils doivent : leurs parents ne peuvent pas leur dire non, c’est le pays qui l’exige.
Je m’approche d’un petit groupe, presque tous des garçons —les filles sont assises un peu plus loin, et discutent entre elles. Je ne vois pas d’adulte avec eux, ils s’amusent comme des fous, parcourent la rue à la recherche de la moindre chose à faire brûler, et reviennent à toute berzingue vers le feu en y lançant les morceaux de cartons ou de bois qu’ils ont trouvé sur leur passage.
—« Qu’est-ce que vous faites ? »
Un garçon fasciné par le feu me répond avec un sérieux d’adulte : « Nous montons la garde »
—« Mais je ne vois personne qui monte la garde ici : je vous vois tous jouant autour du feu ! »
Le garçon, d’une dizaine d’années, détourne ses yeux du feu, me regarde enfin et rit comme un enfant.
Un peu plus tard dans la nuit, quand il ne reste plus rien à brûler sur les trottoirs de la cuadra, et que tout ce petit monde est fatigué, les adultes sortent éteindre les brasiers abandonnés par les pioneros épuisés.
C’est un autre de ces rituels collectifs de la révolution, quelques jours avant celui du 28 septembre, anniversaire de la fondation des CDR. Je vous raconterai.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Jouer avec le feu ?

Anonyme a dit…

c'est tellement émouvant .. et écrit de telle sorte que l'on ressent toute la sensibilité de cette scène.
j'ai adoré !
merci §