Plus que les centaines de milliers de personnes, plus que les petits drapeaux en papier répartis pour l’occasion, plus que les T-Shirts rouges distribués pour le premier mai, une des caractéristiques —hors champ— des grandes marchas ou autres rassemblements organisés par les autorités cubaines, ce sont les guaguas, les autobus.
Il y en a des centaines, des milliers, de toutes sortes, venus de partout, qui s’embouchonnent selon un ordre plus ou moins précis dans le quartier qui entoure le lieu du rassemblement : soit le haut, soit le bas du Vedado, suivant qu’il s’agisse de marcher sur le Malecon ou de se poser sur la place de la révolution.
Il y a les bus blancs et bleus, ceux des transports en commun de La Havane ; il y a aussi les camellos, les semi-remorques peints de couleurs vives, et vaguement transformés en bus, qui vont jusqu’en lointaine banlieue normalement ; il y a les bus inter-urbains, comme les nouveaux Yutong chinois, tout neufs ; il y a les vans des entreprises touristiques en devises ; il y a quelques camions, à la benne ouverte ; il y a même les bus bas qui à l’aéroport transportent les passagers de l’avion au terminal! Ils sont tous là, tous réquisitionnés pour l’occasion, s’engouffrant densément sur des centaines de mètres dans les rues alentour.
Ils arrivent des heures avant, avec leurs passagers. Souvent, le chemin a été bien arrosé, on y chante, c’est assez festif.
Dès la marche terminée, en quelques minutes, les bus sont envahis. Chacun cherche celui qui l’a amené sur les lieux, car c’est le même qui le ramènera : tout est organisé par lieu de travail, lieu d’études, CDR.
C’est une véritable cohue, où chacun sait que s’il rate le bus, il ne rentrera pas chez lui : là, tous les transports en commun ont été réquisitionnés pour l’occasion.
Le transport est un problème quotidien aigu ici, on peut très bien attendre plus de deux heures un bus pour aller au travail, ou rentrer chez soi, ou simplement se déplacer. Dans cette pénurie, l’abondance de véhicules qui amènent les participants par paquets a un côté presqu’obscène, une façon crue de montrer où se trouvent les priorités.