Dimanche soir, j’ai bu une bière à côté d’Emir Kusturica et j’ai failli renverser Fidelito. Le premier était venu à La Havane pour présenter son dernier film, “La vie est un miracle”.
Lors de la projection, la salle de la cinémathèque nationale était pleine d’étudiants de l’école de ciné, mais pas bondée malgré l’entrée libre : les aléas de la circulation de l’information à La Havane ont fait que peu de personnes ont entendu parler de la projection, juste un entrefilet dans Granma, rien aux infos télévisées.
Bref, Kusturica est là, il discute dans les derniers rangs de la salle avec Garcia Marquez (dont il envisage d’adapter L’automne du patriarche, sur la vieillesse d’un dictateur latino-américain effrayant et pathétique); à côté d’eux Alfredo Guevara (rien à voir avec le Che; lui a fondé l’ICAIC, l’institut de ciné qui a produit des merveilles jusqu’aux années 80).
Sur scène, un réalisateur cubain parle du surréalisme tropical et évoque cette pancarte vue dans la campagne cubaine, où deux poules se regardent dans les yeux, sous le nom de l’abattoir de volailles du village, avec la légende premier degré “Un monde meilleur est possible”.
Ce n’est pas une blague : cette phrase est l’un des slogans du gouvernement, et quelqu’un l’a sûrement peinte là en pensant bien faire. Il aurait pu mettre “Vamos bien” , l’autre grand succès du moment.
En sortant de la salle, je manque de renverser un type assez massif qui s’en va lui aussi.
Une fois les portes passées, je reconnais Fidelito. La cinquantaine, la barbe grise et fournie, c’est le fils de Fidel, qui a hérité du même profil d’empereur romain. Il monte dans sa voiture, garée sur le trottoir. C’est toujours surprenant, la grande opacité de ce cercle familial mêlée à un côtoiement inévitable.
Dans le bistrot d’en face, je suis allée prendre une bière avec des amis tandis qu’à la table d’à côté se trouvait Kusturica, apparemment désoeuvré. On cherchait encore comment l’aborder, quand il s’est levé pour partir. Tant pis.
29 novembre 2005
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